Des tâches de spécialistes
Longtemps, les fouilles archéologiques ont été conduites par des amateurs et des érudits férus d’histoire et de culture classique et œuvrant en solitaire. Comme la plupart des activités scientifiques, l’archéologie s’est professionnalisée et est devenue au fil du temps une affaire de spécialistes, formés dans différents domaines scientifiques et techniques. C’est aujourd’hui une activité pluridisciplinaire, un travail d’équipe, qui vise à recueillir et à analyser un nombre toujours plus important de données et d’informations. Voici quelques-unes des activités de ces spécialistes.
La céramologie
La céramique constitue le matériel le plus abondant sur les sites archéologiques. A l'époque romaine, on observe la coexistence de très nombreuses catégories de récipients et une très grande variété de formes : céramiques fines et grossières, vaisselle de table et récipients culinaires, vases fabriqués sur place et produits importés. L'évolution des techniques, du répertoire des formes et des décors étant très rapide durant l'époque romaine, la céramique est depuis longtemps un précieux instrument de datation pour les archéologues.
La numismatique
La numismatique est la science consacrée à l’étude des médailles et des monnaies.
Emises à Rome et dans de grands ateliers monétaires provinciaux, les monnaies romaines portent le plus souvent à leur avers le portrait de l’empereur ou de l’impératrice. La plupart des pièces en circulation sont frappées dans des alliages cuivreux, mais il en existe également en or et en argent. Les dates d’émission pouvant être souvent déterminées avec précision, les monnaies s’avèrent d’une grande utilité pour la datation des vestiges et des monuments fouillés.
L’épigraphie
Science auxiliaire de l’histoire, l’épigraphie a pour objet l’étude des inscriptions. Nombre d’objets antiques portent des textes, du modeste graffito tracé au poinçon sur une assiette de céramique à la majestueuse dédicace de monument public gravée au burin dans le marbre. Ce sont souvent des documents précieux, riches d’informations dans les domaines de la vie politique, militaire, sociale et économique.
La dendrochronologie
Appliquée aux objets en bois découverts en fouille (pilotis, pieux, poutres, etc.), la dendrochronologie est une méthode de datation qui permet de déterminer la période durant laquelle un arbre a vécu et l’année de son abattage. Cette méthode est basée sur l’analyse de la croissance des bois.
Chaque année, l’arbre produit un anneau ou cerne de croissance. Leur nombre indique la durée de vie de l’arbre. La largeur des cernes varie chaque année en fonction de nombreux facteurs, parmi lesquels le climat prédomine. Un environnement favorable entraîne la formation d’un cerne large, un environnement défavorable la formation d’un cerne plus étroit. En mesurant et en analysant les cernes de croissance de séries de bois, il est possible de reconstituer, pour chaque essence végétale et chaque région, ces indices de croissance et d’établir ainsi un catalogue de références. Pour le chêne, la courbe permet de remonter le temps jusqu’à la Préhistoire. En comparant la croissance d’un bois à ces références, le dendrochronologue peut donc retrouver la période pendant laquelle cet arbre a vécu et déterminer l’année, voire la saison d’abattage. Par ce procédé, il est donc en principe possible de dater précisément tout objet archéologique en bois, pour autant que les derniers cernes soient conservés.
Sur le site d’Avenches, la découverte de bois bien conservés est assez fréquente en raison de l’humidité de son sous-sol. Pour assurer la stabilité des édifices, les constructeurs antiques ont souvent fait reposer leurs fondations sur des pieux de chêne profondément enfoncés dans le terrain.
D’autres méthodes scientifiques de datation sont occasionnellement utilisées, en particulier celle du carbone 14 (ou 14C) une méthode de datation basée sur la mesure de l'activité radiologique de cet élément, contenu dans la matière organique (bois, charbon, ossement, tissu, etc.) dont on souhaite connaître l'âge absolu.
Dans le registre des sciences naturelles, plusieurs branches d’activités sont régulièrement sollicitées :
L’anthropologie physique
L’anthropologie physique est, en archéologie, l’étude des ossements humains découverts en fouille.
Par l’observation très fine et la mensuration des restes osseux, l’anthropologue tente de déterminer le sexe et l’âge des individus étudiés. La détermination du sexe se fonde essentiellement sur des critères de robustesse et sur l’observation de certaines parties du crâne et du bassin. L’âge au décès est, quant à lui, évalué principalement par l’examen de la dentition chez les enfants et par l’observation des sutures osseuses chez les adultes. Ces diagnostics sont particulièrement difficiles pour les tombes à incinération, en raison de l’état calciné et fragmenté des ossements.
Ces analyses sont fondamentales dans le cadre de l’étude d’un cimetière: elles permettent par exemple d’évaluer l’espérance de vie à la naissance de nos ancêtres, très basse (entre 25 et 30 ans !) en raison surtout d’une importante mortalité infantile. Elles permettent également d’appréhender les conditions de vie de la population ou de mettre en lumière des différences de traitement ou de rituel funéraire en fonction des classes d’âge ou des sexes.
La paléopathologie
Spécialité complémentaire de l’anthropologie, la paléopathologie est l’étude des maladies et des traumatismes observables sur les restes humains exhumés lors des fouilles archéologiques. Dans la plupart des cas, seules sont identifiables les affections ayant laissé des séquelles sur le squelette. Il s’agit par exemple d’impacts de coups, de fractures, de lésions dentaires, d’arthroses, de troubles du développement ou de pathologies infectieuses. Si ces études ne peuvent que rarement établir la cause d’un décès, un diagnostic global établi sur une série d’individus autorise parfois des conclusions intéressantes sur le mode de vie, l’hygiène et l’alimentation de la population étudiée.
L’archéozoologie
L’archéozoologie est l’étude des ossements animaux récoltés sur les sites archéologiques. La détermination et le comptage des os fournit des indications intéressantes sur les activités économiques et les pratiques cultuelles des populations. Dans les zones d’habitation, l’examen de la faune permet d’identifier les espèces domestiquées et chassées, d’appréhender les modes d’élevage, de boucherie et de consommation. Dans les sanctuaires et les cimetières, il permet de mettre en évidence des pratiques sacrificielles et rituelles, telles que des dépôts d’offrandes carnées dans les sépultures.
L’archéobotanique
L’archéobotanique est l’étude des restes végétaux découverts en contexte archéologique. L’analyse des pollens, en général très bien conservés, et des graines, parfois préservées à l’état carbonisé ou dans des sous-sols humides, permet au botaniste de reconstituer l’environnement végétal d’un site et d’identifier les espèces cultivées et certaines denrées importées. Il lui est également possible d’établir la fonction de certains locaux ou de vestiges rencontrés lors de la fouille, en particulier des silos, des granges ou des greniers à céréales.
A titre d’exemple, l’analyse des graines découvertes dans le moulin hydraulique d’En Chaplix a montré qu’on y avait moulu plusieurs variétés de céréales, en particulier un blé dur, l’épeautre. D’autres graines carbonisées découvertes dans une urne funéraire du cimetière voisin ont permis de mettre en évidence l’offrande de céréales (orge et blé surtout), de légumineuses (pois, lentilles,...) et d’olives.