Sanctuaire du Cigognier
Un temple du culte impérial pour tous les Helvètes ?
La découverte du buste en or de l’empereur Marc Aurèle dans l’un des égouts de cet immense sanctuaire, mais aussi le plan de l’édifice, qui reproduit celui du Forum Pacis de Rome, et son association avec le théâtre dans un projet d’urbanisme bien daté de l’extrême fin du 1er siècle, sont autant d’indices convergents pour en faire un sanctuaire dédié au culte rendu à l’empereur, associé sans doute à d’autres divinités helvètes romanisées, par l’ensemble de la population et des corps constitués de la civitas Helvetiorum.
Reconstitution
Haut-lieu des manifestations d’allégeance au pouvoir de Rome, il s’organise autour d’une vaste cour parcourue par une allée axiale ; Un imposant temple à pronaos octostyle la domine au nord, porté par un haut podium qui rehausse également le vaste portique muni de trois gradins entourant la cour sur trois côtés. Un haut mur fermait l’ensemble au sud, précédé d’une avant-cour et percé d’une porte assurant la liaison axiale avec le théâtre et le nouvel axe joignant les portes urbaines de l’Ouest et de l’Est. Comme l’indique la morphologie de la seule colonne conservée, pronaos et portiques s’interpénètrent, définissant un cheminement interne sans doute processionnel qui exclut un accès direct des portiques à la cour. Aux extrémités du portique nord, deux entrées secondaires sont attestées.
L’œuvre de Trajan ?
La construction débute en 98 apr. J.-C., date assurée par l’analyse dendrochronologique des innombrables pieux assurant l’assise des fondations de toutes les maçonneries. S’il faut placer ce chantier dans la série des grands travaux consécutifs à l’élévation de la ville au rang de colonie sous Vespasien, c’est probablement à Trajan, général rentrant victorieux à Rome d’une récente campagne en Germanie pour accéder au trône impérial, qu’il faut attribuer l’initiative, puis la réalisation d’une telle entreprise, signe de la pacification désormais acquise des territoires du Nord.
Dimensions
C’est le plus grand sanctuaire du site. Dimensions hors-tout : 111,58 x 118,80 m . temple : 42,17 x 27,36 m, hauteur au faîte 23,10 m, dont 2,40 m pour le podium ; portiques : 64,00 x 83,35 m, hauteur au faîte : 19,50 m, dont 2,40 m pour le podium ; avant-cour : 15,14 x 104,58 m.
Un modèle venu de Rome ?
Tout comme le plan du sanctuaire, les techniques et matériaux mis en œuvre cherchent à imiter le luxe des édifices impériaux de Rome. Fondations massives de petit appareil de calcaire jaune, assises sur pilotis et soigneusement drainées ; revêtement du podium et gradins du portique en grès ; élévation du temple, façade des portiques et dallages intérieurs en calcaire urgonien blanc imitant le marbre ; recours à des placages de pierres de couleur, souvent importées, pour l’habillage des parois intérieures ; riche décor sculpté des corniches du temple, à modillons figurés (deux éléments conservés aux angles de l’église Sainte-Marie, un troisième à la rue des Alpes no 37), et des portiques, scandées de couples de monstres marins affrontés à des canthares ; piédroits des arcs ouvrant les portiques sur le pronaos ornés au sommier d’une frise de dragons marins (vestiges visibles sur la colonne conservée in situ) ; chapiteaux corinthiens finement ciselés et sans doute peints. La signification exacte du programme iconographique, assez hétérogène, trahit sans doute des goûts provinciaux et peut-être un panthéon helvète romanisé associé au culte impérial, qui serait figuré en recourant à des cartons classiques.
Le nom moderne du temple
La colonne dite « Le Cigognier », à cause d’un nid de cigognes, apparaît pour la première fois en 1642 sur une gravure de l'artiste M. Merian l’Ancien. Ce nid a été éloigné lors de la restauration de 1978.